la prise en charge thérapeutique
INFORMATIONS
GÉNÉRALES
Grâce à une prise en charge
ad hoc, psychothérapeutique,
on rompt le cycle de violences
conjugales. Ce, en traitant
à la fois les troubles
psychotraumatiques de la
mémoire et les symptômes
dissociatifs qui leur sont liés,
tant chez les bourreaux que
chez leurs victimes (femmes),
indique une étude pilote
réalisée dans les Hauts-de-
Seine, de portée nationale.
L’ÉCRASANTE MAJORITÉ des
femmes de 16 à 64 ans, victimes de
violences, venues consulter un spécialiste,
accusent un lourd passé de
vie en enfer.
Quatre-vingts pour cent ont subi
des sévices familiaux dans l’enfance,
42 % des brutalités conjugales,
34,5 % des maltraitances au
travail et 67 % des atteintes
sexuelles, 80 % cumulant plusieurs
types d’agressions. Toutes se plaignent
d’une grande solitude, 92 %
parlent d’un impact négatif sur la
qualité de vie, 97 % sur le psychisme,
65 % sur la santé physique,
87 % sur l’affect, 73 % sur
leurs relations sociales, 57 % sur
les études et 64 % sur l’activité professionnelle.
Ayant attendu l’ultime
moment pour s’en remettre
à un psychothérapeute, elles accusent
des états de stress post-traumatique,
avec symptômes dissociatifs
et désordres de la personnalité,
des troubles anxieux invalidants
et de l’humeur, des dysfonctionnements
fréquents de
conduite et du comportement (addictions,
mises en danger, attitudes
auto- ou hétéro-agressives),
une fatigue chronique permanente
(56 % des patients), des douleurs
chroniques (40 %), ou encore, très
souvent, des problèmes digestifs,
génito-urinaires, cardio-vasculaires,
respiratoires, allergiques,
dermatologiques et ORL. Empruntées
à une étude pilote sur les
conséquences des violences
conjugales et/ou sexuelles réalisée
en 2007-2008 dans les Hauts-de-
Seine par le Dr Muriel Salmona,
ces données ont une portée nationale
(voir encadré).
« Dans la
presque totalité des cas
, les violences
n’avaient pas été identifiées,
ni dénoncées
, fait remarquer
la psychiatre-psychothérapeute.
Les symptômes psychotraumatiques
et somatiques n’avaient
jamais été reliés aux violences
subies ni par les victimes ellesmêmes,
ni par les médecins
consultés avant la prise en charge
spécialisée. »
Puis la réponse physiologique
au stress s’éteint, et une
anesthésie émotionnelle et physique
s’installe avec un état dissociatif
de conscience altérée et des
troubles de la mémoire. La vie devient
un terrain miné. Le
moindre lien avec les violences
subies est susceptible de faire exploser
la mémoire traumatique
sans possibilité de comprendre
la cause de la détresse, ni de la
calmer, rendant nécessaire la
mise en place de conduites d’évitement
handicapantes. Et, quand
ces dernières sont mises en échec,
seules des conduites dissociantes
souvent paradoxales peuvent calmer
un tel état. Il en va dès lors
d’auto-agressions, d’addictions
ou de dépendance à l’agresseur
qui, par le risque et la terreur
qu’elles produisent, sont à même
de faire disjoncter à leur tour. Incompréhensibles,
très douloureuses,
stigmatisantes, elles s’imposent
aux victimes. Déroutantes
pour l’entourage et les professionnels
qui les aident, elles sont responsables
d’un important sentiment
de culpabilité et de la très
grande difficulté qu’ont les personnes
violentées de se séparer
de leur bourreau. »
ad hoc,
d’une durée moyenne de deux ans,
l’explication des mécanismes neurobiologiques
et psychologiques
des psychotraumatismes apparaît
majeure pour redonner vie à ces
femmes dépossédées de leur histoire.
De leur côté, les professionnels
de santé souhaitent à 95 % une
assistance téléphonique d’expertise,
offrant une aide au diagnostic,
à la prise en charge et à l’orientation.
« N’oublions pas aussi de
nous battre pour une société plus
égalitaire, contre toutes les formes
de domination masculine et patriarcale,
tous les stéréotypes
sexistes, les discriminations et la
loi du plus fort. »
Arrêter le cycle.
Dans de telles
conditions,
« il est parfaitement
possible d’arrêter le cycle de la
violence transmis de génération
en génération, en traitant les
troubles psychotraumatiques de
la mémoire et les symptômes dissociatifs
»
, souligne pour « le
Quotidien » le Dr Salmona. Et
cette prise en charge spécialisée
psychothérapeutique vaut pour
les agresseurs comme pour leurs
victimes.
« Il s’agit de désintoxiquer,
les uns comme les autres, de
conduites dissociantes d’emprise,
de traiter leurs troubles et, pour
les bourreaux, de les éduquer au
respect de la dignité d’autrui, à
l’égalité et à la dénonciation de
la violence »
, insiste la psychiatrepsychothérapeute.
Rarement dépistés et soignés, les
troubles psychotraumatiques sont
à l’origine d’un décès de femme,
en France, tous les trois jours, victime
de son conjoint, d’un risque
de tentative de suicide multiplié
par 25 chez les femmes battues,
d’une perte de 1 à 4 années de vie
en bonne santé et d’un coût annuel
médical estimé à 400millions
d’euros (2006).
> PHILIPPE ROY