travailleuses sociales dans un foyer de femmes battues

 

Travailleuses sociales dans un foyer de femmes battues : comment rester femme quand on n’est pas féministe ?

Liliana Saranovic

Psychologue du travail

Résumé de l'article L’article étudie les incidences psychopathologiques du travail social dans un centre d’accueil pour femmes battues. Dans cette équipe composée exclusivement de femmes, il semble que le travail soit délétère pour la construction de l’identité féminine. L’auteur interroge les rapports entre la dépréciation de la sphère féminine par les travailleuses sociales et l’abandon progressif des critères et des valeurs féministes – s’affranchir collectivement de la domination masculine – au profit des critères et valeurs de l’insertion – aider chacune, à titre individuel, à trouver un logement et un emploi. The article studies the psychopathologic incidences of social work in a centre for beaten women. In this team exclusively made up of women, it seems that work is deleterious for the construction of the feminine identity. The author interrogates the relationships between the depreciation of the feminine sphere by the social workers and the progressive abandonment of feministic criterias and values – to rid collectively themselves of the masculine domination – for the criterias and values of insertion – help each, as an individual, to find accommodation. El artículo estudia las incidencias psicopatológicas del trabajo social en un centro de acogida para mujeres golpeadas. En este equipo, compuesto exclusivamente de mujeres, pareciera que el trabajo resulte mortífero para la construcción de la identidad femenina. El autor analiza las relaciones entre descrédito de la esfera femenina para las trabajadores sociales y el abandono progresivo de los criterios y los valores feministas – liberarse colectivamente de la dominación masculina – en beneficio de criterios y valores de insersión – ayudar a cada una, a título individual, para que encuentren una vivienda y un empleo. Plan de l'article • Polyvalence et épuisement professionnel • Où est passée la fée du logis ? • Soi-même comme une autre • L’effacement de la féminité • Nous sommes toutes des femmes battues • Bibliographie Cet article discute le matériel clinique recueilli lors d’une intervention en psychologie du travail réalisée dans un centre d’accueil et d’hébergement pour femmes battues. Celui-ci, comme tous ses semblables, a été créé durant la période d’expansion du mouvement féministe, à l’initiative de militantes et d’anciennes femmes battues. Celles-ci ont progressivement été remplacées par des travailleuses sociales. La mission d’insertion qui consiste à aider les femmes à trouver logement et emploi est devenue prioritaire sur la vocation initiale qui était d’aider les femmes battues à se soustraire au pouvoir masculin par la prise de conscience féministe.

La visée éthique de l’équipe féministe peut être approchée à travers ce qui fut leur devise : nous sommes toutes des femmes battues. Mais l’identification solidaire et militante au « groupe femme » n’a pas résisté à l’épreuve du travail. Alors que le centre hébergeait, à son ouverture, des femmes appartenant à des milieux sociaux hétérogènes, avec comme seul dénominateur commun la violence de leur conjoint, il accueille aujourd’hui une population de femmes parmi les plus dominées, cumulant le problème de la violence conjugale et l’immigration, la pauvreté, l’illettrisme, la délinquance des enfants, etc. En outre, certaines de ces femmes sont elles-mêmes violentes envers leurs enfants.

Polyvalence et épuisement professionnel On considérera l’ensemble des membres de l’équipe comme des « travailleuses sociales », bien que ces femmes n’aient pas toutes la même formation. Précisément, l’indifférenciation entre les fonctions est le problème principal dont nous aurons à traiter, l’organisation du travail étant fondée sur la polyvalence entre éducatrices, assistantes sociales, psychologues, conseillères en économie familiale. Cette polyvalence a été instaurée dans le but d’assurer un suivi personnalisé de chacune des résidentes par une seule « référente ». Ce choix organisationnel engendre une difficulté, pour chaque travailleuse sociale, d’assumer les tâches ne relevant pas de sa qualification. Ainsi, par exemple, la conseillère en économie sociale et familiale est-elle en mesure de fournir un travail exemplaire dans le domaine de la gestion, mais ses résidentes manquent de suivi éducatif. Ou encore, une éducatrice favorise l’écoute psychologique mais néglige les problèmes d’emploi et de logement, tandis qu’une autre privilégie la relation aux enfants mais ne sait pas régler les questions administratives. Bien que les travailleuses sociales s’efforcent de ne pas parler entre elles de leurs « différences », leurs zones respectives d’incompétence ne sont un secret pour personne dans l’institution, car elles provoquent régulièrement l’insatisfaction des résidentes.

Selon la chef de service, il existe de sérieux problèmes de communication au sein de l’équipe, les travailleuses sociales n’échangeant pratiquement aucune information sur leur travail. De leur côté, celles-ci se plaignent d’être « aspirées » par leur activité et souhaitent être aidées à prendre du recul [1]. Fréquemment interrompues par des appels téléphoniques, elles doivent en permanence s’ajuster à la demande des résidentes, sachant que ces dernières ont tendance à « oublier » les horaires de rendez-vous et à arriver quand on ne les attend plus. Les travailleuses sociales mangent en un quart d’heure et font nombre de démarches administratives pour les résidentes en dehors de leurs horaires professionnels [2]. Compte tenu des aléas temporels de l’activité, l’emploi du temps affiché au secrétariat est purement théorique. Il est toléré d’arriver en retard, de s’absenter sans avoir à se justifier… Il en résulte que personne ne sait vraiment où est qui, à quel moment et comment le travail est fait. Cette organisation floue donne à chacune l’impression que toute initiative est invisible aux yeux des autres et participe d’un climat de méfiance larvée où « chacun [3] est dans sa bulle » et où « tout le monde soupçonne tout le monde » de ne pas travailler comme il faut. L’investissement des travailleuses sociales est pourtant considérable, comme en atteste leur état d’épuisement. Fondant en larmes, l’une d’elles me dit qu’elle avait à peine le temps de récupérer pendant ses congés, n’arrivant ni à se reposer ni à se détendre. Les arrêts maladie de longue durée sont fréquents.

La question est donc de savoir pourquoi les travailleuses sociales ne parviennent pas à aménager différemment l’organisation du travail, pourquoi la polyvalence se maintient de façon aussi rigide, et surtout pourquoi les travailleuses sociales, plutôt que de revendiquer chacune leurs propres spécificités et savoir-faire, préfèrent se définir collectivement et avec insistance par la dénomination floue de « professionnel ». Ce terme générique de « professionnel », qui abrase les différences entre les travailleuses sociales, les oppose, en tant que collectif de travail, à l’équipe fondatrice qui les a précédées et dont l’équipe actuelle tient à se démarquer. De même, leur identification aux femmes battues n’est plus à l’ordre du jour. Leurs rapports avec les résidentes sont marqués du sceau de l’ambivalence. La compassion et le souci des résidentes se disputent avec le détachement et la froideur. Au point que certaines résidentes se plaignent… d’être encore mieux auprès de leur mari qu’au centre d’hébergement !

Je suis intervenue en qualité de médiatrice avec pour objectif de favoriser la mise en discussion du travail. Les travailleuses sociales étaient, certes, volontaires pour parler de la façon dont elles vivaient leur travail, mais je n’étais pas mandatée par le collectif pour mener une enquête de psychodynamique du travail au sens canonique du terme. La souffrance et les défenses n’en étaient pas moins au rendez-vous, même si le cadre méthodologique était peu propice à l’analyse et au déplacement des stratégies collectives de défense. Compte tenu des limites du dispositif, la description clinique proposée ici demeure insatisfaisante. Toutefois, ces limites méthodologiques ne sont pas seules en cause. En menant cette investigation, je me suis heurtée constamment à la résistance de ma propre subjectivité. Et c’est bien du récit d’un « empêtrement » dont il s’agit de rendre compte.

« Comment rester femme quand on travaille auprès de femmes battues ? » Cette question paradoxale, je me la suis posée, à propos de moi-même comme à propos des travailleuses sociales, tout au long de l’intervention. Mais je l’ai, pour ainsi dire, gardée en réserve, faute de savoir comment la travailler avec le collectif. Car si les travailleuses sociales s’attendaient, de leur côté, à remettre en question leur travail, de mon côté, je n’avais pas prévu que cette remise en question pourrait concerner d’aussi près la question de l’identité sexuelle. Dans ce centre où ne travaillent que des femmes au service d’autres femmes, la sphère de la féminité est négligée, effacée, dépréciée. Il n’est pas aisé de comprendre pourquoi.

Où est passée la fée du logis ? Être identifiée à une femme battue est une expérience douloureuse et déstabilisante, comme j’ai pu m’en rendre compte lorsqu’une résidente m’a demandé un jour : « Vous êtes la nouvelle ? » Le soir même, je me suis avoué que cette question avait produit sur moi l’effet d’une gifle. Je n’avais aucune envie d’être comparable à une femme battue, et, spontanément, aucune envie de réfléchir à la raison pour laquelle cela m’était aussi pénible ! Se pouvait-il qu’il en soit de même pour les travailleuses sociales ? Progressivement, j’ai commencé à être intriguée par l’étrange climat de laisser-aller domestique et de négligence vis-à-vis de la sécurité.

Les locaux du centre sont utilisés de façon insolite. Un des bureaux fait également office de salle de réunion. De prime abord, c’est un bureau comme un autre, mais on est vite surpris par une odeur acide : autour d’un pilier sont entassés des sacs de patates et des cageots de pommes gâtées ; c’est la banque alimentaire. Les toilettes servent aussi de resserre pour les paquets de nourriture. On y trouve, près de la cuvette, le pain, le riz, les pâtes, les plaques de chocolat, les bonbons et un rouleau de papier hygiénique. Lorsque les aliments sont livrés, le personnel présent, obligé de ranger les cartons, le fait à la va-vite. La banque alimentaire est une corvée pour l’équipe et personne ne contrôle l’état de la nourriture. Une fois, une odeur plus forte que d’habitude a commencé à se répandre. Il a fallu qu’un remplaçant – le seul homme de l’équipe, par exception – refuse d’assister aux réunions dans ces conditions pour que deux travailleuses sociales se joignent à lui et pour que la directrice procède elle-même à la fouille et trouve les aliments avariés.

Une partie des dossiers et des anciens rapports annuels sont archivés dans les autres toilettes. La cuisine abrite… ce qui reste de la bibliothèque, oubliée depuis fort longtemps. Pas de suivi des livres, aucun prêt. Les œuvres, presque toutes écrites par des féministes, gisent à l’abandon dans le monde féminin par excellence, la cuisine, où l’on mange debout mais où jamais on ne prépare un repas. Dans le bureau d’à côté, un joli miroir mural et une plante verte sont les seuls objets décoratifs du centre. De gros cartons de meubles en kit encombrent le bureau de la psychologue. Dans un autre s’empilent des couvertures sales. La seconde cuisine sert exclusivement de buanderie, comme en témoigne la lessive répandue sur le sol. Les travailleuses sociales ont renoncé à prendre des boissons chaudes, faute de savoir qui lavera les tasses. Le bruit des machines à laver comme l’odeur du linge sale mélangée à celle de la lessive envahissent les bureaux voisins. Un détail, mais qui n’en est pas un dans une équipe de femmes : il n’y a pas de poubelle à disposition pour les serviettes hygiéniques – il faut « se débrouiller ».

À première vue, « l’espace enfants » est en cours de réaménagement. Les pièces sont à moitié vides, des meubles épars, une vieille commode, des coussins en mauvais état, des tables en formica, quelques chaises, une télévision, un magnétoscope – hors d’usage. Aucun jouet, aucun dessin d’enfant. Seules quelques figurines de plâtre, modelées par les petits, montrent que cet endroit leur est destiné. Bien que les travaux soient terminés depuis un certain temps, les achats de meubles et de jouets n’ont pas encore été effectués. Pendant plus de six mois, ce lieu voué à la distraction des enfants est resté ainsi, vide, triste. La cuisine à l’américaine est équipée, belle, propre, fonctionnelle et… fort peu utilisée. Il n’y a pas de porte ; même les petits enfants peuvent y entrer et se servir à leur guise. Les médicaments sont à leur portée, ainsi que les couteaux rangés dans les étagères du bas.

Un jour, pendant que les travailleuses sociales s’occupaient d’un enfant nouveau venu, deux autres ont menacé un troisième avec un grand couteau pris dans la cuisine. J’ai été frappée par le fait que, cherchant à comprendre comment un tel incident avait pu se produire, les travailleuses sociales ont doctement raisonné à partir de leurs connaissances en psychologie : les enfants reproduisaient-ils une situation déjà vécue ? fallait-il en parler à leur mère elle-même très violente ? Mais à aucun moment elles n’ont envisagé de déplacer les couteaux hors de portée des enfants. Ceci m’a confirmé que l’absence d’intelligence pratique des travailleuses sociales devait être prise au sérieux, car elle pouvait avoir des conséquences bien plus graves que les nuisances occasionnées par le pourrissement de la nourriture. Je me suis rendu compte a posteriori que je m’étais sentie incapable d’aborder de front, avec l’équipe, le sujet des périls domestiques. Les questionner à ce sujet, cela aurait été pourtant rompre la loi du silence, c’est-à-dire faire le travail qui était attendu de moi. Mais j’étais trop déconcertée par la cécité domestique des travailleuses sociales pour oser véritablement leur en parler. À moi, mère d’un jeune enfant, le péril représenté par les couteaux me paraissait tellement évident que je craignais de les faire passer pour « stupides » en pointant leur « distraction ». Une « vraie » femme sait faire ces choses-là. Soulever le problème de la négligence domestique, cela équivalait à remettre les travailleuses sociales en question… En tant que femmes ou en tant que « professionnels » méprisant le travail domestique et les femmes qui le font ? Ce n’était pas si clair pour moi, aussi ai-je préféré me taire.

L’épisode des couteaux est typique du laxisme qui caractérise le rapport à la sécurité dans le centre d’accueil. On peut y entrer comme dans un moulin, ce qui est plutôt paradoxal pour un lieu de refuge censé mettre à l’abri des hommes violents. En cas de perte, les clés ne sont pas changées. L’interphone est resté en panne pendant plusieurs mois. Les portes sont généralement grandes ouvertes et, si ce n’est pas le cas, les travailleuses sociales ne demandent jamais qui sonne avant d’ouvrir. J’ai observé que le comportement de l’avocate, qui tient une permanence une fois par mois, est tout autre. Si quelqu’un se présente, manifestement inquiète, elle demande toujours le nom avant de laisser entrer. Les hommes violents représentent pourtant une réelle menace pour les travailleuses sociales. Trois d’entre elles ont ainsi dû s’enfuir du palais de justice, pendant que la juge retenait un homme violent. Mais, dans le centre, elles ne semblent manifester aucune crainte. Excepté à de brefs moments où un silence inhabituel s’installe, ou lorsqu’on entend un bruit inconnu. Alors, on peut entendre une travailleuse sociale dire : « C’est peut-être un homme violent. » Durant quelques instants, l’atmosphère devient glaciale ; la peur est palpable. Puis, tout redevient normal. À ceci près que cette « normalité » s’apparente à un demi-sommeil.

Soi-même comme une autre Dès la phase d’observation, je me suis sentie glisser dans une étrange apathie. J’étais comme anesthésiée. Sauf durant des moments brefs et intenses. Comme la panique qui m’a saisie quand j’ai vu un homme avec un chien entrer derrière moi dans l’immeuble. Ou la tristesse de voir une femme écroulée en larmes et son grand fils embarrassé. Ou l’envie de pleurer, pendant que j’écoutais une nouvelle résidente me raconter d’une voix monocorde comment son mari l’avait frappée à coups de marteau. Je me sentais gagnée par une inertie qui coupait l’élan à chaque initiative. Je devenais molle, engourdie. Parfois, j’avais une si forte envie de dormir que j’étais obligée de me passer de l’eau froide sur le visage. J’ai ainsi ressenti, dans mon propre corps, de pénibles modifications, assez semblables à celles qu’évoquaient les travailleuses sociales.

Ainsi, l’une d’entre elles : « Peu de temps après mon arrivée au centre, mes malaises ont commencé. La première fois, je ne savais pas ce qui m’arrivait. Ma tension a baissé, j’ai ressenti des vertiges. Tout tournait autour de moi. Si je n’avais pas été assise, je serais tombée. Je ne savais plus où j’étais. J’en arrive à ne plus penser. Je me sens faible depuis mon arrivée, au début cela allait et après, la fatigue, les chutes de tension… J’ai changé depuis que je viens ici. Pas tout de suite, mais j’ai changé, je suis toujours triste… »

La plupart d’entre elles ont le sentiment d’aller moins bien depuis qu’elles travaillent au centre, et certaines soulignent que leurs amis et leurs proches les ont alertées sur ce changement, leur conseillant de quitter ce « lieu maudit ».

De façon non moins troublante, j’ai réalisé que, depuis que j’avais commencé à me rendre au centre, pour moi aussi les tâches ménagères étaient devenues désagréables. J’en ai déduit qu’on ne pouvait imputer la négligence domestique uniquement à la charge de travail et au débordement. L’activité auprès des femmes battues semble faire obstacle à la mobilisation de l’intelligence et de la personnalité en direction des tâches domestiques et rendre celles-ci quasi insupportables. Il n’est pas certain que les travailleuses sociales soient arrivées ici déjà molles et souillons ; il semble plutôt qu’elles le soient devenues insidieusement. Quant au rapport à la peur généré par l’éventualité toujours présente de l’irruption d’un homme violent, il semble se traduire par une sorte de brouillard mental, un engourdissement du corps et de la conscience qui ne ressemble à rien de ce que la littérature en psychodynamique du travail a décrit en termes de stratégies collectives de défense. D’où mon sentiment d’être assez démunie sur le plan conceptuel pour me repérer dans la situation. Sans doute, à l’instar, par exemple, des ouvriers du bâtiment, les travailleuses sociales ne font-elles que rarement allusion à la peur. Et les nombreuses négligences vis-à-vis de la sécurité dans le centre pourraient être interprétées comme des conduites de déni du danger. Mais on ne trouve nulle forme de surenchère dans le rapport au risque, nulle provocation ouverte. Le rapport à la peur semble être effacé des consciences, mais il n’est pas retourné « virilement » comme c’est souvent le cas dans les collectifs d’hommes. Par ailleurs, en comparaison avec d’autres collectifs féminins, par exemple les infirmières, il n’existe aucune stratégie collective de « domestication » de la peur par l’autodérision ou le rire (Molinier, 1995 [4]). Les travailleuses sociales s’avèrent incapables de dédramatiser les situations par l’humour et discutent des drames vécus par les résidentes comme elles le feraient d’un problème mathématique. Aucune d’entre elles n’auraient pu dire, comme cette infirmière citée par Marie-Claire Carpentier-Roy (1995, p. 80) : « Si on ne sait pas rire, on crève et les infirmières qui ne le comprennent pas ne durent pas longtemps aux soins intensifs… Après avoir vécu trois morts consécutifs, c’est comme si je n’étais plus capable d’en prendre. Tout ce que je pouvais, c’était faire des folies là-dessus, je ne pouvais rien faire d’autre que des folies, il n’y avait qu’une porte de sortie, en rire. »

L’effacement de la féminité Des folies, les travailleuses sociales n’en font pas. Le peu que j’ai pu savoir sur les pratiques des « féministes » suggère qu’il existait auparavant un collectif fondé sur un tout autre rapport à la violence, où le rire et la dérision étaient de mise. En attestent, notamment, les jeux de rôle improvisés durant lesquels les « anciennes » s’amusaient à se déguiser avec le « vestiaire » prévu pour dépanner les résidentes et mimaient qui la femme battue, qui la travailleuse sociale. Un autre jeu consistait, en accompagnant vers sa chambre une nouvelle femme battue, à montrer ses fesses à la collègue qui suivait derrière – qui devait alors se retenir pour ne pas éclater de rire. Des pratiques « d’écervelées », selon l’équipe actuelle.

Dans leur rapport à la peur et à la souffrance, les travailleuses sociales ne sont donc ni viriles ni féminines. Dans le centre, les sujets de discussion féminins sont évités ; pire, ils sont considérés comme stupides. Pas de papotages ! On ne parle jamais de sa vie privée, de ses enfants, on n’échange pas recettes de cuisine. Il n’est pas de bon ton de faire preuve de compassion envers les collègues en difficulté ou d’exprimer sa propre affectivité. Et si les larmes ne sont jamais bien loin, la souffrance, quelle qu’en soit l’origine, demeure une affaire individuelle, non socialisée dans le collectif : « Que tu ne viennes pas, que ce soit parce que tu es malade ou non, tu es considérée pareil. On te reproche des choses, essentiellement l’équipe, pas les femmes battues, elles, elles s’inquiètent. » « Une collègue s’est mise à me parler de son mari qui avait le cancer. Le ton qu’elle employait me paraissait insensible. C’était difficile pour moi de l’entendre. Mon père est mort du cancer. Je lui ai dit : “Excuse-moi, il faut que j’aille aux toilettes” et je m’y suis enfermée pour pleurer. »

Ce ne sont donc pas seulement les activités domestiques qui sont désinvesties, mais toute la sphère de la féminité – au sens social du terme – qui semble être mise en échec, y compris les formes traditionnelles de solidarité entre femmes lorsqu’un malheur privé touche l’une d’entre elles (Kergoat, 1987, p. 286).

Dès son premier jour au foyer, le psychologue remplaçant m’a fait part de sa surprise devant le manque de séduction de l’équipe, affirmant n’avoir jamais connu cela – « un endroit où les femmes ne sont pas des femmes » – et me prenant à témoin du fait que « les femmes hébergées [étaient] beaucoup plus féminines que l’équipe ». Femme moi-même, j’avais mis plus longtemps à m’en rendre compte et sur ce point aussi, comme pour les activités ménagères, ce sont les modifications de mon propre rapport à la féminité qui m’ont alertée sur les conduites insolites des travailleuses sociales. En effet, tandis que je cherchais à m’extirper de la torpeur qui m’engourdissait peu à peu, je me suis rendu compte que j’avais de moins en moins de plaisir à m’habiller et à me maquiller. Cette année-là, les soldes m’ont laissée de glace ! Et ce n’est pas mon habitude !

J’ai constaté le même désintérêt pour la coquetterie du côté des travailleuses sociales. Leur présentation vestimentaire était parfois très négligée. La chef de service est même intervenue auprès de l’une d’elles pour qu’elle ne vienne pas travailler dans un jogging informe. Celles qui s’habillent correctement le font sans une once de fantaisie ou de coquetterie. Un incident a confirmé cette impression. Un jour, la femme de ménage est venue au foyer avec un plein sac de lingerie luxueuse. Dès qu’elle a commencé à sortir les soutiens-gorge de soie et les culottes brodées dans le bureau de la secrétaire, la chef de service est intervenue pour que cesse immédiatement ce commerce : « Comment a-t-elle pu penser un seul instant qu’elle vendrait ces choses ici ? » L’équipe partageait tout à fait ce point de vue, contrairement à la secrétaire, manifestement plus attirée par ces « dessous chics » qu’elle décrivait comme très beaux.

Il serait tentant de penser que ces femmes ne s’habillent pas de façon « féminine » parce qu’elles travaillent entre femmes pour des femmes et, pour ainsi dire, n’ont pas besoin de se mettre en frais pour séduire des hommes. Mais les conduites contrastées de l’équipe et de la directrice d’un côté, de la femme de ménage et de la secrétaire de l’autre, donnent à penser que l’effacement des signes de la « féminité » est lié au « travail social » des « professionnels » et non au fait de travailler dans un univers uniquement féminin. Aucune travailleuse sociale n’a changé de tenue pour participer à la fête de Noël. Comme j’en faisais la remarque à l’une d’elles, celle-ci me répondit qu’elle n’avait pas envie de se « faire belle pour venir ici ». C’est dire qu’au centre, la féminité n’a pas sa place, comme s’il y avait concurrence entre le fait d’être femme et le fait d’être professionnel.

Ni viriles ni féminines, les travailleuses sociales me sont d’abord apparues comme « asexuées ». Mais il serait plus juste de dire qu’elles tendent à effacer et à neutraliser toute manifestation de la féminité. Cette tendance est si nette et si « contagieuse », ainsi que le suggère mon propre vécu subjectif, qu’on ne peut pas s’empêcher de penser que l’effacement de la féminité est en rapport direct avec le travail auprès des femmes battues. Voici donc un travail qualifié, typiquement féminin et revendiqué comme tel [5] qui, loin de s’inscrire dans la continuité de l’identité féminine semble, au contraire, lui faire obstacle. Il est relativement facile de comprendre que les travailleuses sociales ne soient pas viriles, qu’elles ne se tapent pas dans le dos, ne fassent pas état de leurs conquêtes amoureuses ou n’affrontent pas directement la violence des hommes. Adopter ce type de conduite collective équivaudrait peu ou prou à s’identifier aux hommes violents. Toutefois, il est plus difficile de comprendre pourquoi les travailleuses sociales n’ont pas recours aux mêmes ressources collectives que les infirmières, par exemple. Pourquoi font-elles montre d’un tel refus de la féminité ?

Compte tenu de l’ambiance tendue et du peu de confiance et de coopération dans l’équipe, il était délicat de soulever des questions aussi douloureuses que celles relatives à l’identité sexuelle. Et d’autant que j’étais moi-même malmenée par ma fréquentation du centre et pas très au clair avec ce que je sentais se défaire de ma propre féminité. Je ne pouvais pourtant écarter que ce travail était, à l’évidence, corrosif pour l’identité « féminine ». J’ai laissé de côté la désaffection du travail domestique et j’ai choisi, dans la restitution, d’aborder le problème de la « féminité neutralisée », principalement à travers l’absence de convivialité. Il en a résulté quatre heures de discussion au cours desquelles les travailleuses sociales ont largement débattu du fait que ce n’est pas en tant que femme – par différence avec les féministes – mais en tant que professionnels – neutres – qu’elles s’occupent des femmes battues. Elles ont d’abord revendiqué, au titre du professionnalisme, le fait d’être froides et sans séduction, avant d’en venir à parler de la nécessaire distanciation vis-à-vis de la souffrance des femmes battues. D’ailleurs, le détachement n’est pas premier dans l’expérience des travailleuses sociales, ainsi qu’en témoigne l’une d’elles : « Au début, quand j’ai commencé, j’étais très affectée, j’ai pleuré. Il m’arrivait même de pleurer avec la femme. Ça ne m’arrive plus. J’ai appris à maîtriser mes sentiments. On devient plus insensible avec le temps. C’est une sorte de contrôle, d’analyse. Petit à petit, tu t’habitues, tu sais que cela existe… »

Le rapport entre la peur et l’engourdissement du corps et de l’intelligence – selon les termes de l’une d’elles, l’enlisement dans les émotions – a été largement validé lors de la restitution. Les travailleuses sociales ont alors évoqué le fait qu’elles se sentaient intellectuellement inhibées par la peur. Cette forme de paralysie mentale contraste avec les descriptions que celles des travailleuses sociales qui les ont connues ont donné des féministes. Celles-ci étaient beaucoup plus actives vis-à-vis des hommes violents, à l’affût de ces derniers et n’hésitant pas à les provoquer, alors que l’équipe actuelle fait tout son possible pour éviter de les rencontrer [6] et d’en parler avec les résidentes et entre elles. On peut se demander s’il n’existe pas un rapport entre la paralysie mentale et le déni de réalité des hommes. Comment se défendre contre des ombres ? contre une menace qui n’a pas de visage ? et qui n’est même pas évoquée dans l’imaginaire collectif ?

Les militantes féministes étaient, semble-t-il, à la fois plus féminines que les travailleuses sociales et en même temps plus combatives vis-à-vis des hommes.

Lors de la restitution, les travailleuses sociales se sont rendu compte qu’elles cherchaient à éviter toutes les occasions d’entendre parler de la maltraitance sexuelle, le problème de la violence conjugale étant étroitement lié à celui de la sexualité – notamment lorsque la femme refuse un rapport sexuel. En refusant de parler de sexualité, les travailleuses sociales refusent de parler de violence, mais aussi, ont-elles dit, de plaisir sexuel. Comme si les femmes battues, elles aussi, devaient être « asexuées ». Comme si rien de féminin – de sensuel, de corporel – ne devait circuler entre elles. Les travailleuses sociales se concentrent donc sur l’insertion pour ne pas être débordées par la dimension subjective de la prise en charge. Quitte à déplorer de donner d’elles-mêmes une image peu sympathique : « On paraît comme des agents de la Sécurité sociale. » Ne pas parler « chiffons », ne pas rire, ne pas papoter fait partie du professionnalisme. La composante défensive de l’identité de « professionnel » est manifeste. Mais le thème du papotage en a fait surgir un autre, plus inattendu : « On ne parle pas chiffons, on ne parle pas politique non plus. »

Nous sommes toutes des femmes battues Les règles de métier sont sociales, techniques, langagières et éthiques. On considère que les règles éthiques sont les plus importantes, dans la mesure où c’est à partir de celles-ci qu’il est possible de donner un sens partagé au travail, en arbitrant sur ce qu’il est juste et bien de faire. Dans l’équipe « féministe », le sens du travail était fondé sur la devise « nous sommes toutes des femmes battues ». Cette devise fait directement référence à une identité en rapport avec le « groupe femmes » : je suis une femme comme les femmes battues. Ou bien : les femmes battues sont des femmes comme moi. Dans cette perspective, le « groupe femmes » est un groupe qui lutte solidairement pour son émancipation. « Nous sommes toutes des femmes battues » est le vecteur d’une identité indexée au travail du militantisme féministe. Pour l’équipe féministe, la création du centre avait le mérite de faire apparaître la violence domestique dans la cité et d’inciter les femmes à s’en affranchir.

La fréquentation des actuelles résidentes atteste que ces dernières ne sont ni des féministes ni des militantes et qu’elles ne le seront jamais. Ces femmes sont englouties sous une somme de problèmes économiques, sociaux et culturels auxquels vient s’ajouter la violence conjugale. Il n’est pas raisonnable de penser que leur passage au centre puisse être l’occasion d’une prise de conscience féministe. De ce point de vue, la présence d’un personnel spécialisé dans l’assistance et le soin semble appropriée à la situation. Mais le travail social a perdu l’assise politique qui mobilisait l’action des pionnières. Le travail se réduit à trouver des solutions, au coup par coup, à des problèmes individuels.

L’identification au groupe femmes n’étant plus portée par le militantisme, la devise « nous sommes toutes des femmes battues » ne peut s’entendre désormais qu’au premier degré, ainsi que je l’ai moi-même reçue en pleine figure quand une résidente m’a demandé si j’étais « la nouvelle ». Que faire avec une telle identification négative ? Je suis une femme… comme les femmes battues. La raison pour laquelle les femmes battues le sont est qu’elles sont, comme moi, des femmes… Sans doute est-ce l’arbitraire de la violence domestique, et plus largement de la domination masculine, qui est, pour une femme, si difficile à comprendre et à formuler, car elle oblige à une réflexion exigeante sur sa propre place dans les rapports sociaux de sexe, bref, une prise de conscience féministe. Rejetant l’identité « femme » parce que celle-ci est indexée soit aux féministes, soit aux femmes battues, les travailleuses sociales adhèrent à l’identité de « professionnel ». Elles sont des « travailleurs qualifiés », non des militantes ou des dominées.

La polyvalence se présente comme un obstacle à la construction des règles de métier. Elle empêche de faire profiter l’ensemble de l’équipe et les résidentes des savoir-faire de métier que possède chacune des travailleuses sociales. De plus, le travail s’avère difficile à discuter car les travailleuses sociales, pour bien faire, sont fréquemment amenées à se mettre en infraction vis-à-vis des procédures administratives. C’est-à-dire à trahir le « professionnalisme » pour lequel elles ont été recrutées. Les tricheries peuvent parfois être le fait de toute l’équipe. Ainsi, le centre n’est pas habilité à recevoir les enfants de moins de trois ans, mais il est arrivé que certaines femmes accouchent durant leur séjour et conservent néanmoins leur place quelque temps. Parfois, le centre fournit aussi des certificats d’hébergement à des femmes qui n’y habitent plus. Mais, la plupart du temps, les tricheries sont tenues secrètes par chacune [7]. Par exemple, lorsqu’une femme a perdu son emploi, la référente peut faire le choix de ne pas faire figurer cette information dans le dossier de demande de logement.

La réticence à exprimer son vécu douloureux vis-à-vis de la violence combinée à la peur de montrer ses incompétences et ses tricheries musèlent la parole dans les réunions de synthèse et ruinent la confiance au sein de l’équipe. Mais il y a plus. La combativité des féministes leur permettait d’élaborer et d’assumer leur agressivité et, du même coup, de mener entre elles des discussions conflictuelles. Tandis que l’inertie collective empêche l’élaboration de l’agressivité et rend les travailleuses sociales incapables de débattre authentiquement. À défaut de savoir s’affronter à autrui, elles craignent que la discussion tourne « à la violence », comme elles disent. La violence des hommes n’est pas présente, c’est la violence – verbale ! – des collègues qui finit par être la plus redoutée. Alors, chacune se tait. Toute la dynamique de la reconnaissance est bloquée et les contributions singulières sont vouées à l’invisibilité. Le cloisonnement organisationnel est ainsi largement renforcé par les défenses. D’autant que l’on peut dire aussi que l’organisation par référente protège les travailleuses sociales d’avoir à discuter de questions taraudantes qui concernent l’ensemble de l’équipe et qui ont trait à l’autre sujet tabou : le politique. Que signifie bien travailler auprès des femmes battues ? Qu’est-ce que la réussite ? Qu’est-ce que l’échec en ce domaine ? Comment inventer et stabiliser un métier qui consiste à aider les femmes battues ? Ce métier peut-il avoir un sens, une éthique, s’il consiste à traiter des situations singulières, au cas par cas ? Bref, s’il se confond avec l’éternelle réparation de dommages corporels et psychiques, sans jamais ouvrir sur la possibilité de supprimer la cause de ces malheurs, c’est-à-dire la violence des hommes.

Il est frappant que les travailleuses sociales, « asexuées », mal à l’aise dans leur peau de femme, soient aussi effacées que peut l’être le problème de la violence domestique dans notre société. Confrontées de façon récurrente à des femmes battues, les travailleuses sociales ne devraient guère échapper à la prise de conscience féministe. Mais l’on peut faire l’hypothèse qu’elles se défendent de cette prise de conscience plus qu’elles ne l’élaborent. Alors que l’une des tâches primordiales des travailleuses sociales est d’aider les femmes battues à retrouver l’estime d’elles-mêmes, il n’est pas rare de les entendre échanger des propos de ce type : « On pense à la place des femmes battues, elles ne demandent rien, je ne sais pas si elles peuvent devenir plus actives… Celle-ci ne sait même pas décrocher un téléphone ! Il y a des femmes qui provoquent leur mari. Ils veulent avoir un moment de tranquillité. Comme cette femme qui avait volé le grigri de son mari, elle est stupide ou elle ne connaissait pas son importance, ce qui m’étonnerait… »

En imputant une part de responsabilité aux femmes, les travailleuses sociales tendent à leur refuser un statut de victimes pour leur accorder un statut bien illusoire de « sujet ». En substance : si elles sont battues, c’est qu’elles l’ont bien cherché. La rupture avec la doctrine féministe est manifeste. Suffit-il d’être femme et qualifiée pour travailler auprès des femmes battues ? La prise de conscience féministe – et la souffrance qu’elle génère – peut-elle s’élaborer en dehors d’un collectif féministe ? Le fait est que nous savons très peu de chose sur la souffrance que génère l’expérience féministe et sur les façons dont les femmes parviennent à la subvertir ou à s’en défendre. C’est pourquoi je n’avais pas grand-chose à proposer aux travailleuses sociales du centre pour élaborer ce registre, bien qu’il soit manifestement au cœur de leur travail. J’espère, dans ces quelques pages, avoir réussi à montrer que notre méconnaissance en ce domaine pose de réels problèmes pour l’intervention sur ce type de terrain où la demande de supervision et de groupes de parole est cependant très forte.

Bibliographie Carpentier-Roy M.-C., 1995, Corps et âme, Québec, Liber, 204 p.

Kergoat D., 1987, « Le syllogisme de la constitution du sujet sexué féminin. Le cas des ouvrières spécialisées », communication Table ronde internationale sur les rapports sociaux de sexe, novembre 1987, Iresco, Paris, Les cahiers de l’Apre.

Molinier P., 1995, Psychodynamique du travail et identité sexuelle, thèse de doctorat, Septentrion, Presses universitaires.

NOTES [1]La méthodologie a consisté en une première phase d’observation du travail réel, suivie d’entretiens individuels et collectifs. La restitution à l’ensemble de l’équipe s’est faite en deux séances. Il est à noter que cette intervention a fait l’objet d’une supervision qui m’a permis d’analyser ma propre subjectivité au fur et à mesure que l’intervention se déroulait.[2]Il est à noter que plusieurs travailleuses sociales poursuivent des études universitaires – pour se qualifier cadre ou en psychologie – et ont choisi comme thème d’étude ou comme terrain de « stage »… leur propre pratique dans le centre d’accueil pour femmes battues. Il en résulte que lorsqu’elles rentrent chez elles, elles n’en ont pas fini avec leur travail puisqu’elle s’astreignent encore à y réfléchir.[3]Les travailleuses sociales parlent fréquemment d’elles au masculin tandis qu’elles appellent les résidentes « les femmes ». J’ai traduit la « neutralisation » de leur propre identité sexuée en écrivant au masculin neutre le terme de « professionnel » (cf. infra).[4]Psychodynamique du travail et identité sexuelle, chap. « La domestication de la souffrance. Spécificités féminines du rapport à la peur et à la souffrance en situation de travail », p. 247.[5]Les hommes peuvent être employés comme remplaçants, mais ils ne sont pas recrutés.[6]Ainsi, les travailleuses sociales n’accompagnent jamais les résidentes à leur ancien domicile, alors que les féministes le faisaient en dépit – et à cause – du risque d’affrontement.[7]Les travailleuses sociales y ont fait allusion lors de l’observation et des entretiens individuels, mais il n’a pas été possible de les amener à en parler collectivement. © Cairn 2007 Vie privée | Conditions d’utilisation | Conditions générales de vente

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